Ai-je été une maman maltraitante?
Il y a des mots qui blessent autant sinon plus que des gestes.
Cette phrase est un leitmotiv des parents qui se disent bienveillants et qui ne se rendent pas forcément compte (j’espère) que leurs propres mots sont des armes qui transpercent les cœurs de mamans (et papas) aimants mais pas parfaits. Et parmi ces mots durs, celui de la maltraitance ressort, particulièrement en cette période où la fessée est en question…
Ai-je été une maman maltraitante ? Maltraitante ??? Oui, en voilà un mot violent qui fait pleurer mon cœur, qui m’écrase de culpabilité, me met à terre et m’y maintient.
J’ai eu une période, malheureuse, où mes mains exprimaient mon désarroi. Fatiguée, seule, dépassée… j’ai frappé mes enfants.
Ce ne sont pas des excuses mais des explications. Je ne réfléchissais pas, j’agissais. Il me fallait être tous les rôles en même temps pour 3 jeunes enfants et mon seul soutien était mon homme, leur père, 2 jours par semaine. C’est bien peu face à l’ampleur de la tâche qui m’incombait !
Je pleurais beaucoup, je criais au moins autant et quand cela ne suffisait pas à obtenir ce que je demandais, je levais la main. Une tape sur la couche ou sur la main.
Puis je suis passée des fessées aux claques. La première fois, je me suis sentie tellement mal !!! Mais j’avais ouvert la brèche. Et la seconde claque partit plus vite.
Malgré tout, chaque fois que je portais un coup, je mourais un peu. La culpabilité m’a envahie petit à petit, me diminuant encore et encore plus. Mais je ne savais pas m’en sortir. Personne n’a senti ma détresse et je n’ai pas su demander de l’aide.
Jusqu’au jour où… Ce jour où je changeais la petite sur la table à langer. Les grands m’en faisaient voir encore. Ils se disputaient sûrement, ne m’écoutaient pas. J’étais tellement énervée ! je leur criais dessus et je les menaçais par des mots peut-être, par mon comportement en son entier évidemment. Je les dominais de ma taille et ils restaient près de moi quand même. En me tournant vers eux, je les ai vus se protéger la tête de leurs bras…
J’en ai encore les larmes aux yeux.
Ce jour-là, je me suis dit : si tu recommences, tu vas consulter un psy.
Je ne vous dirai pas que je n’ai plus jamais recommencé. Non, malheureusement, ce n’est jamais aussi simple. Mais je n’ai pas levé la main sur mes enfants une seule fois en plusieurs mois. Puis c’est arrivé mais rarement, ponctuellement. Avec toujours ce même dégoût de moi, ce remords, cette peine de n’avoir pas géré au mieux et cette colère sourde tournée contre moi.
J’ai travaillé sur moi, longtemps et aujourd’hui encore. J’ai lutté contre mes démons. J’ai presque gagné la partie.
En couchant ce témoignage sur l’écran, je me rends compte que je m’exprime comme si j’avais été une toxico. Eh bien le sevrage est difficile, surtout seul.
C’est en lisant des commentaires sur la loi contre les fessées que j’ai fortement ressenti le besoin d’écrire sur le sujet. Il y a toujours ces merveilleux parents qui pensent avoir raison et que les autres ont tort. Ces parents bienveillants qui jugent les autres, sans nuance et sans empathie.
Je suis tellement d’accord sur le fait qu’on ne devrait pas frapper ses enfants mais la solution n’est pas de stigmatiser les parents. Non. Il faut plutôt les accompagner.
Et il est essentiel à mon sens de distinguer les parents réellement maltraitants : ceux qui frappent pour tout ou rien, qui blessent, rabaissent…et ne ressentent pas de culpabilité et les parents dépassés qui lèvent la main et le regrettent.
Il est facile de juger et de mettre dans une case sans essayer de comprendre et d’aider.
Il ne suffira pas d’interdire pour empêcher. Non, il faudra guider, éduquer, faire de la prévention. Je ne prétends pas que la loi serait inutile. Au contraire, elle permettrait des réflexions, des remises en question et elle serait un outil certainement utile dans ce combat. Elle ne doit simplement pas (et elle ne le sera pas, j’en suis sûre) être appliquée arbitrairement et sans discernement.
Alors à cette terrible question, ai-je été une maman maltraitante ? J’ai envie de me répondre avec bienveillance justement : tu as fait des erreurs et tu les regrettes. Tu es juste une maman imparfaite qui a fait de mauvais choix (était-ce un choix ?) et qui a décidé de changer. Par amour pour eux et pour toi aussi. Tu as parfois mal traité tes enfants mais non, tu n’es pas une maman maltraitante. Ce n’est pas ce qui te définit.
Et vous, vous est-il arrivé de lever la main sur ce que vous avez pourtant de plus cher ?