Job de parents
« C’est notre job de les rendre heureux ». Je ne sais même plus qui m’a dit ça. Un collègue je crois. Ça semble une évidence, nous, parents, avons le devoir de rendre nos enfants heureux… Pourtant, ça m’a fait tiquer. Une petite lumière s’est allumée dans mon cerveau. J’ai eu envie de rétorquer…
Oui, c’était mon collègue et c’est pour ça, parce que nous ne sommes que des collègues sans accroche particulière, c’est pour ça que je n’ai pas voulu engager le débat. Il aurait fallu des arguments et du temps. De la patience aussi peut-être puisque nous n’avons clairement pas la même approche de l’éducation que l’on doit donner à nos enfants.
Il est, je pense, plus laxiste que moi. Je suis, chéri et moi sommes plus à cheval sur certains principes. Et si notre objectif en tant que parent est bel et bien le bonheur de nos enfants, j’y mets des nuances.
D’abord, objectif et job… (à part que tu trouves l’un dans l’autre, alphabétiquement parlant) sont deux missions à dimensions bien différentes. Un métier est une somme de tâches dans un but plus grand, plus global. Mon métier à moi, professionnellement j’entends (celui qui me ramène des pépètes à la fin du mois), c’est plus ou moins gestionnaire RH. Et dans ce cadre, j’ai tout un tas de trucs plus ou moins passionnants à faire : je vérifie les chiffres, je gère les postes, je recense les heures supplémentaires, je crée des procédures… Mais tout ça n’est pas un objectif en soi ! Le but de mon travail, associé à celui de mes collègues, est de gérer au mieux les carrières des agents. Des jobs pour un objectif.
Tu vois où je veux en venir ? Mon job parental est d’enseigner à mes enfants le respect de chacun et le goût du travail, de les nourrir sainement, les habiller dignement, les inscrire à droite et à gauche, les conduire, les écouter, les gronder, leur apprendre à repasser, les amuser, leur donner envie d’avoir envie… Et ce métier (ces métiers ?), je l’exerce dans l’objectif qu’ils atteignent le bonheur.
Et voilà ma deuxième nuance. Je ne souhaite pas seulement les rendre heureux, je veux surtout qu’ils soient capables de se rendre heureux en toute autonomie et sur le long terme. Je ne vois pas l’instant présent comme un objectif. Chercher à les rendre heureux tout de suite, c’est parfois mettre à mal leur capacité à le faire par eux-mêmes plus tard.
C’est ma philosophie, partagée par chéri. Et nous l’avons appliquée dans notre éducation.
Ce que j’entends par là c’est que nous les avons parfois déçus, fait pleurer, énervés… Nous n’avons pas toujours accédé à leurs requêtes ou cédé à leurs caprices alors même que cela leur aurait donné le sourire immédiatement. Nous avons souvent choisi de les confronter à la frustration pour qu’ils puissent la gérer toute leur vie. Nous avons puni pour qu’ils apprennent à assumer leurs erreurs. Nous avons refusé certains plaisirs en leur expliquant pourquoi et nous avons parfois privilégié des moments à deux, entre papa et maman, pour préserver notre équilibre mental et sans aucune once de honte car les enfants doivent savoir qu’ils ne sont pas le centre du monde et que les individus vivent en dehors d’eux. Même leurs parents pourtant aimants.
Il est parfois plus facile de lâcher, de dire oui, d’offrir, de faire comme si on n’avait pas vu… et nous l’avons fait aussi ! Mais nous avons essayé de tenir bon la plupart du temps en gardant en tête l’objectif suprême : faire de nos enfants des adultes et même des citoyens heureux.
Je ne sais pas à quel point on aura atteint notre but. Je ne sais même pas à quel point on a eu raison ou tort. Peut-être aurions-nous pu, dû, être plus cools. Mais j’ai quand même confiance en l’avenir et en mes enfants.
Quoi qu’il en soit, une vérité existe déjà : mes enfants me rendent heureuse. Et là, je n’y mets aucune nuance !