Peur de mère devient colère

Publié le par Raphaëlle Hosteins

Faisons une expérience. Fermez les yeux   Ah ben non, c'est con, vous pourrez pas me lire. 

Alors concentrez-vous. On va voir si je peux vous transporter dans mon souvenir et vous le rendre vivant. 

Je suis dans le bus, rêveuse, inattentive. Une femme en descend avec une poussette canne (matériel technique connu par les parents) et une fillette de 4 ans peut-être. Je les regarde distraitement, sans plus d’intérêt que n’y porte mes voisins de voyage.

Et puis, un aboiement se fait entendre. On ne voit pas le chien mais on l'imagine petit et hargneux, du genre chien-chien à sa mémère. La petite s'agite sur le trottoir, crie et commence à courir, paniquée. Arrive le chien dans le champ de vision des passagers. Il est effectivement petit, tout petit, c’est un chihuahua à pull (ben oui, c’est l’hiver !) et sans laisse. Il se met à poursuivre la fillette qui part, affolée. Elle met toutes ses forces pour fuir et la mère, impuissante, tente de la rattraper. La poussette la ralentit. 

Les passagers et moi-même nous rapprochons des vitres. On le vit, on stresse. On s’identifie, empathiques. On imagine le pire. Et si elle traversait ! 

La mère doit se poser les mêmes questions, dans la douleur. Elle doit faire un choix. Elle le fait. Elle abandonne la poussette qui vacille, penche vers la droite. Un murmure monte dans le bus. Elle va tomber !!! Non. Elle se rétablit. 

La mère court et disparait de notre vue. Et un homme, un SDF très probablement, assis là par hasard, se lève pour attraper la poussette, la protéger. 

Nous sommes en apnée. Le chauffeur doit également observer la scène puisqu'il ne démarre pas. Tous les yeux sont rivés vers la droite, attendant l’épilogue, craignant le pire.

Et enfin, nous retrouvons notre souffle, soulagés. La Maman revient, la main de son enfant bien au chaud dans la sienne. Et elle récupère son bébé.

 

Cela se termine bien. Mais c'est une occasion pour moi de m'interroger. Quand la mère réapparaît, elle sourit. Elle semble adresser à quelqu’un des phrases légères, souriantes. Le maître du chien ? Je ne sais pas. Et moi ? Comment aurais-je réagi ? Moi, je me serais mise en colère. Ma peur pour mes enfants se transforme en colère. Après le chien, le maître ou même l'enfant. Ou après moi ? De n'avoir pas géré ? D'avoir failli à mon rôle de protecteur ?

A quoi bon se mettre en colère, me dis-je. A quoi bon. C’est peut-être inutile, stérile, puérile et ça blesse parfois l’enfant, qui ne comprend pas. Mais c’est ma réaction, incontrôlée, en espérant qu’elle restera au moins gravée dans la mémoire de l’enfant, comme une leçon.

 

Publié dans billets d'humeour

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