Les yeux fermés...
Pleine nuit, le calme domine la maisonnée, je rêve. Et de quoi ? Je rêve que j’ai une envie pressante et que je ne trouve pas de toilettes. Tout est confus, j’avance dans un épais brouillard, l’histoire n’a ni queue ni tête. Je trouve un petit coin de forêt. Entourée de buissons épineux, je tente de résoudre mon problème qui l’est tout autant : me soulager sans irriter mon fessier…
Je me réveille, j’ouvre un demi-œil, juste de quoi me rendre compte que je suis au lit, qu’il est 2 heures 13 et que j’ai encore quelques heures à dormir. Génial, c’est mon moment préféré !!! Je me tâte… me lever pour aller aux toilettes ? Ou dormir…
Trop tard, je me suis assoupie avant de répondre à cette dernière question. Je replonge dans un rêve tout aussi étrange et dérangeant que les autres. J’arpente des couloirs étroits, je suis à la recherche de quelque chose. Ou de quelqu’un. Va savoir. J’entre dans une pièce aussi vaste qu’un gymnase, c’est une salle de bain avec des dizaines de cuvettes côte à côte. Ça donne pas trop envie mais quand il faut… Je m’installe quand j’entends des voix se rapprocher : ce sont mes collègues qui me demandent une info. Je me retrouve, pantalon baissée, dans le bureau…Mes paupières sont lourdes.
J’arrive à soulever au quart une de mes paupières. Il est 3 heures 47. Mon corps s’apprête à sombrer une nouvelle fois mais je lutte. Je me rends bien compte que je dois aller me soulager si je veux terminer ma nuit dans de meilleures conditions. Et j’entreprends donc de soulever mes 52 kilos (on a qu’à dire que je suis toujours dans mon rêve et que, donc, je pèse 52 kilos) et je m’extirpe de mon lit sans pour autant réellement sortir de ma torpeur. Je garde les yeux mi-clos, voire complètement fermés. J’avance au talent, les mains devant pour ne quand-même pas me prendre une tranche de porte dans le visage (j’ai déjà fait, c’est douloureux). Je franchis le seuil de ma chambre, traverse le couloir toujours à l’aveugle avec l’espoir que rien ne s’est mis sur mon trajet (une chaussure ou un chat, par exemple). J’entraperçois la porte des toilettes que je saisis du bout des doigts. Je l’ouvre, m’avance et enfin, je m’assois sur le trône tant souhaité.
Je m’abandonne, les yeux totalement hermétiques. Je tiens bon dans l’espoir de ne pas avoir trop perturbé mon sommeil et dans le but d’y retourner sans tarder. Je fais le trajet en sens inverse et je me recouche, entre soulagement et ravissement. Il ne reste plus que quelques petites heures mais elles seront, à n’en pas douter, délicieuses.
Allez, avouez que vous aussi, vous tentez l’ascension du mont WC à l’aveugle !!!
Mais cette nuit-là… cette nuit-là, comme connectée aux éléments, comme guidée par l’instinct de survie, j’ai ouvert les yeux. Un sixième sens ? Une hypersensibilité au monde qui m’entoure ? De la télépathie ?
Oui, j’ai ouvert les yeux pour découvrir avec horreur la bête. Ce n’est pas la première fois que je vous parle de cet être vicieux aux mille yeux. Car oui, je me suis retrouvée pied à pattes devant un arachnide sans gêne qui squattait mes toilettes. Elle m’a regardé. Je l’ai regardée (pas facile de savoir dans quel œil poser son regard). Elle m’a toisée. J’ai fait semblant de l’ignorer tout en la surveillant du coin de mon œil tremblant. Et pendant que je faisais ma petite affaire, elle refusait de quitter les lieux, effrontée et fière. Laquelle de nous deux allait s’incliner ?
Je suis restée digne, soyez en sûrs. Je n’ai pas crié, pas pleuré. J’ai conservé mon sang-froid tandis qu’elle a commencé à douter. Je l’ai vue hésiter, reculer. J’avais gagné ! Et c’est avec fierté et triomphalisme que je l’ai laissée à ses questionnements tandis que je regagnais mon couchage. Non mais !!! C’est qui le boss !!