Fibromyalgie: le (non) diagnostic
Toutes les maladies que l’on peut imaginer se reconnaissent et se diagnostiquent grâce à une analyse de sang ou un examen médical type radio, écho scanner…
Toutes mais pas celle-ci. Reconnue en 1992 par l’OMS, la fibromyalgie, car c’est d’elle dont je vous parle, est davantage un ensemble de symptômes qu’une maladie digne de ce nom. Et quand les médecins et notamment les rhumatologues ne trouvent pas d’autre explication, ils supposent que le patient souffre de fibromyalgie. C’est pratique et à la fois pas du tout.
Au moins, on pose un nom et la communauté scientifique (à part les fameux fibrosceptiques) nous reconnait un statut.
Si le diagnostic arrivait autrefois souvent après des années d’errance médicales, il est aujourd’hui plus facilement posé.
Pour ma part, il a fallu quelques mois pour y arriver. Du moins, à partir du moment où j’en ai eu marre d’avoir mal un peu partout sans que mon médecin ne se pose aucune question. Ben tiens, je vais vous raconter plus en détail mon parcours à moi qui, bien que rapide, donne à voir comme on peut ne pas être écouté.
MON (non) DIAGNOSTIC
J’ai enchainé pendant des années des blessures plus ou moins pénibles (tendinopathies et enthésopathies pour l’essentiel) tantôt à la cheville, au talon, au pouce, au coude, à l’épaule… et j’ai fréquenté avec assiduité ma kiné. Je pense qu’elle a pu se payer une maison rien qu’avec mes paiements. Régulièrement, les examens classiques (écho et radio) ne montraient rien de bien sérieux.
Et puis les douleurs aux articulations se sont cumulées jusqu’à me demander par quoi j’allais attaquer : la hanche ? ou le poignet récalcitrant ? Je décidais de ce qui me semblait le plus urgent.
Au printemps 2023, je me suis plainte à mon médecin traitant. Il m’a fait faire des examens sanguins notamment à cause de mes douleurs dans les mains. Les résultats ont écarté le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde. Et il m’a simplement prescrit des séances de kiné pour les 4 membres. L’ordonnance a fini à la poubelle. Je n’avais absolument pas envie de multiplier les séances sans essayer de comprendre pourquoi je continuais à révéler des douleurs.
Et puis, j’en ai eu encore un peu plus marre et en juin 2023, j’ai carrément demandé à mon médecin s’il ne pouvait pas me diriger vers un rhumato. En fait, il suffisait de demander !
En fait, il faut que l’on soit moteur. C’est parfois au patient de suggérer parce qu’on a beau être patient… il ne se passe pas grand chose. Et puis moi, ben je n’ai aucune connaissance médicale. Alors, heureusement que l’idée du rhumato est souvent la bonne dans mon cas car s’il avait fallu chercher plus loin, j’aurais été bien ennuyée.
J’ai donc eu mon rendez-vous en octobre. Vous n’imaginez pas comme il me tardait !!
Le rhumatologue en question m’a écoutée. Il a épluché tous les examens que je lui avais portés. Il m’a auscultée. Et surtout, le plus important de tout, il m’a crue.
Il m’a fait refaire quelques analyses de sang pour écarter la spondylarthrite ankylosante et à nouveau la polyarthrite rhumatoïde. Je l’ai revu en décembre. Il m’a indiqué que les examens ne révélaient rien. Il m’a à nouveau ausculté en appuyant sur quelques points stratégiques. J’ai eu des mouvements de recul franc sur certains et notamment aux hanches. Et il m’a posé quelques questions. Puis il m’a dit : vous souffrez certainement de fibromyalgie.
Ce que cela induit
Pour faire simple, il s’agit donc d’un dysfonctionnement du cerveau qui signale une douleur là où le corps n’a pourtant aucune lésion ou alors un problème physique minime. La douleur, tu la ressens pour de vrai. Elle est lancinante ou te surprend violemment. Elle est fréquente et parfois continue. Elle est partout.
Et j’y vois deux problèmes majeurs.
Soit on passe à côté d’un vrai problème parce qu’on se dit que c’est « fictif » et que ça ne sert à rien de chercher plus loin, de faire des examens pour s’entendre dire qu’on ne voit rien. Et je crains que certains médecins ne prennent même pas au sérieux nos douleurs en supposant soit que c’est la fibro soit qu’on est légèrement mytho.
Soit on pousse les recherches encore et encore et comme m’a dit mon rhumato, après 40 ans, on trouve toujours un petit quelque chose. Le risque est donc d’abuser de la médecin inutilement (inutilement pour nous j’entends mais ça monopolise aussi des moyens pour rien). Pire, en trouvant un petit quelque chose, on pourrait aller trop loin dans les soins : de la kiné qui ne marcherait pas vraiment de toute façon, du coup des infiltrations qui ne feront pas ou peu effet, puis des interventions chirurgicales qui ne résoudront certainement pas le problème de fond.
Et de ce que j’en savais, dans beaucoup de cas, les fibromyalgiques ont connu des traumatismes dans leur vie. Et la dépression accompagne souvent la maladie. Et bien que ce ne soit pas dégénératif à proprement parler, les douleurs vont rarement en s’améliorant. Ou cela demande une prise en charge extérieure et par soi-même conséquente.
Ce que j’ai ressenti
Vous n’imaginez pas les milliards de questions qui se sont bousculées dans ma tête dans les jours et les semaines qui ont suivi. Est-ce que j’ai vraiment mal ? Si je ne suis pas blessée, est-ce que je continue à courir malgré la douleur ? C’est peut-être parce que j’y pense que j’ai mal ? J’exagère, non ? C’est supportable. Mais est-ce normal de devoir supporter tout le temps ?
Est-ce que c’est vraiment ça d’ailleurs ?
Et puis j’ai fait un rejet. Je ne me sentais pas légitime. Je connais deux personnes atteintes et elles deux ont vécu des choses difficiles dans leurs vies. Pas moi. Alors pourquoi ? Et je n’ai certainement pas à me plaindre par rapport à elles ou aux autres !
Finalement, à force d’analyser mes douleurs avec le maximum d’objectivité dont je puisse faire preuve et après en avoir discuté avec une collègue atteinte, j’ai fini par me convaincre que ça ne pouvait pas être autre chose.
Mais ce qui a achevé de me faire accepter ce non diagnostic, c’est la longue discussion que j’ai eue avec ma sœur, elle aussi fibromyalgique. Notre relation à la douleur est très semblable.
Et comme mon rejet venait du fait que je ne pensais pas être légitime contrairement à ma sœur (oui, je sais, c’est un peu con), ses mots m’ont rassurée, et confortée. Oui, je suis sûrement fibromyalgique. Et en écrivant ces mots, je constate deux choses : j’ai bien mal aux poignets à force de taper sur le clavier et j’accepte la situation.