Homme en déplacement: comment j'ai survécu...
Dans ton idéal de vie telle que tu te l’imagines dans ta jeunesse, tu as un travail intéressant, une jolie maison, un mari aimant et de beaux enfants. Dans l’ordre que tu veux.
En tout cas, c’était ma vision de mon avenir. Des plus classiques. Des plus heureux. Et j’y suis ! J’ai un travail qui me plait, un mari pas trop mal (il me lit, je ne voudrais pas qu’il prenne la grosse tête…), une chouette maison et 3 merveilleux enfants (enfin, tu vois quoi). J’y suis, à un détail près : mon homme est absent la semaine.
Quand il est parti en déplacement la première fois, j’étais anéantie. Il faut dire qu’il avait choisi la veille de mon anniversaire alors qu’on avait invité toute SA famille (la mienne étant loin). Bon, ok, il n’avait pas vraiment choisi la date. Mais ça m’a beaucoup affectée. J’étais très dépendante de lui. Timide, réservée et arrivée depuis peu à Bordeaux, sans amis, sans famille, je vivais à travers lui.
Le choc passé, il a fallu que je m’y fasse. Il n’était pas si loin. Les 2 heures de route lui permettaient de rentrer rapidement.
Il y a quand même eu une phase d’adaptation.
- Pour moi, il m’a fallu accepter son absence et apprendre à vivre en autonomie. J’en étais capable, bien évidemment, intellectuellement parlant. Mais émotionnellement, j’étais fragile.
- Pour lui, il lui a fallu prendre l’habitude de me donner des nouvelles chaque jour, comprendre que j’en avais besoin.
Puis, il s’est éloigné encore. Plus de responsabilités, plus de territoire à couvrir. Et dans le même temps, nous avons eu des enfants.
Comment survivre, en tant que maman, quand ton homme est en déplacement ? Tu dois tout gérer : les trajets, les courses, les rhumes, le travail, les rendez-vous médicaux, les réunions scolaires. Le quotidien et ses aléas. Tu dois être partout et tenir debout.
C’est usant. J’ai souvent craqué. Je fondais en larmes et j’appelais chéri pour lui déverser tout mon désarroi, ma lassitude. Il ne pouvait pas faire grand-chose. Un mot gentil pouvait déclencher une colère sourde en moi. De la rancœur. Alors il m’écoutait pleurer. Essayait de prononcer le mot juste. Et il se rattrapait mille fois le week-end.
Beaucoup de gens (et surtout de femmes) autour de moi me font remarquer le courage que j’ai. Il ne s’agit absolument pas de courage, c’est certain. Ce n’est pas courageux que de subir ce qui nous est imposé. Et puis, ce mode de vie, comme tout autre, offre quelques avantages.
Le premier et non des moindres : il a certainement sauvé notre couple. Quand chéri a accepté ce travail, il y a vu une échappatoire. Notre vie ne lui convenait pas. On se retrouvait chaque fin d’après-midi pour confronter nos divergences. Nos différences étaient assises entre nous sur le canapé. Elles prenaient de plus en plus de place. Il voulait de l’air, j’avais besoin d’être avec lui. Nous ne nous comprenions pas bien.
Autre avantage : être loin l’un de l’autre donne du temps pour réfléchir et relativiser. Au lieu de souffler dans nos disputes et de les faire gonfler au point d’éclater, nous prenions du recul. Et ne passer que 2 jours ensemble nous a obligés à les optimiser. Moins de fâcheries (non mais rassurez-vous, on se dispute autant que vous !), plus de plaisir.
Que peut-on déduire de cette expérience de vie ? Même si elle m’est très personnelle, je crois qu’on peut en tirer un apprentissage : tout est surmontable. Tout le monde est capable de s’adapter. Et j’aime à dire que si l’homme est l’espèce dominante en ce monde, c’est bien parce qu’il a su s’adapter. Chacun (e) de nous en est capable.