Et puis l'épuisement... encore...
L’épuisement est réel, tangible et violent. Il est mental, pas physique, car je dors assez, je ne suis pas malade… mon corps va plutôt bien. Mais l’épuisement, aussi intellectuel est-il, gagne du terrain pour grignoter mon énergie. Je me sens si lasse parfois, si assommée, que je pourrais m’endormir sans délai. Et puis ça m’arrangerait aussi : dormir pour ne plus avoir à assumer au fond. Juste lâcher la pression.
Alors non, bien-sûr, je ne suis pas à plaindre en apparence. J’ai tout pour être heureuse, n’est-ce pas ? De beaux enfants intelligents et en pleine santé, pas de problèmes d’argent, un mariage plutôt solide et rempli d’amour, une maison confortable… C’est donc l’occasion rêvée de placer la fameuse citation de Marc Levy, tirée de son livre « L’horizon à l’envers » : « Penser qu’on n’a pas le droit d’être triste parce qu’il y a bien plus malheureux que soi est aussi stupide que de s’interdire d’être heureux parce qu’il y a bien plus joyeux. »
Parce que finalement, cette obligation sociale de se montrer satisfait de notre chance participe elle aussi à cet épuisement. On se fatigue à refouler nos doutes, nos peines, nos petits tracas. Et ces petites choses non nommées prennent peu à peu une importance démesurée comme si elles prenaient leur revanche. On veut les taire, elles grandissent en nous jusqu’à nous étouffer, nous dominer.
Souvent, comme nous toutes, je nie, je mets de côté … pour plus tard ? Car tôt ou tard, fatalement, il se verra. Et moi, j’ai beau m’en défendre, je me rends bien compte qu’il est là. Je le sais, je le sens.
Quand tu n’es plus capable de réagir calmement à une bêtise de ton enfant parce que c’en est une de plus, parce que tu n’as pas eu le temps de te remettre de la dernière ou, au contraire, parce que, après une trêve, tu ne t’attendais pas à la suivante, c’est que tu as atteint le trop-plein. Quand tu rentres chez toi, dents serrées, en te demandant ce que tu vas devoir affronter et si tu vas le supporter, c’est qu’il est temps de réagir.
Réagir. Comment ? Qui ? Où ? Quand ? J’ai l’impression d’avoir tout essayé, j’ai prononcé tous les mots et formules, j’ai frappé à tant de portes. Mais quand je me retrouve à nouveau seule face à la cause de mon épuisement, je cède à la colère et au découragement. Mon corps m’obéit à peine, je le maîtrise juste assez pour ne pas commettre l’irréparable et je pars dans les aigus et les larmes.
Il suffit pourtant de prendre un peu de recul pour relativiser. Manger un peu de chocolat (et s’en vouloir de maltraiter son organisme cette fois) pour se calmer, réfléchir et regretter. Et les regrets s’ajoutent à l’épuisement tout comme la vilaine culpabilité si familière aux mamans. Une histoire sans fin ? Sommes-nous condamnées à cet état ? Les mauvais sentiments s’alimentant les uns les autres en un cercle vicieux ?
Tant de questions pour si peu de réponses. Il me faut peut-être simplement accepter ce que je combats sans cesse. Admettre que je ne peux pas tout contrôler et autoriser dans nos vies les erreurs, les mauvais choix en faisant seulement au mieux. Renoncer, non pas à la perfection dont l’idée même est n’est que souvenir depuis fort longtemps, mais renoncer à la conception que je me suis faite de l’éducation que je voulais pour mes enfants. En partie du moins.
Allez, j’arrête là ces réflexions sans fond qui m’attire vers le bas. Je range la plaquette de chocolat. Un petit dodo et évidemment, demain ça ira mieux !!