Point C: Jour 24
Quand le confinement a été annoncé, je ne me projetais pas du tout. Et jamais je n’aurais pensé passer 4 semaines à la maison.
Malgré les conditions favorables de notre détention (nous sommes 5, nous avons une maison assez grande et un extérieur agréable, il fait beau…), je commence à ressentir fortement le besoin de sortir.
Quand chéri vient me réveiller le matin, je n’ai pas envie de sortir du lit (mais bon, ça c’est habituel). Je traine pour le petit-déjeuner. Puis, quand je travaille, j’oublie un peu le temps et ses longueurs. Le midi arrive vite et je suis lasse de devoir préparer le repas ou, quand c’est chéri qui le prépare, je n’ai même pas envie d’aller manger.
Le repas terminé, je traine. Je fais durer mon thé le plus longtemps possible. Je finis de le boire tiède et je retourne travailler, écrire ou assister les enfants sans entrain.
En fin d’après-midi, je tourne un peu en rond. Je n’ai plus envie de travailler et je n’ai pas non plus l’envie de quoi que ce soit d’autre. J’ai le temps et je pourrais le mettre à profit : nettoyer les vitres ou ma voiture, arracher les mauvaises herbes, cuisiner… je n’en ai pas le cœur.
En posant les mots, je réalise que les choses n’ont tout simplement plus de saveur. Nous répétons les actions et les moments à l’infini. Rien à voir avec nos vies normales.
Je ne regrette pas d’avoir davantage de temps. Courir sans cesse est usant. J’apprécie le rythme (et je m’y ferais volontiers). Il manque simplement la variété des activités, les surprises, les rencontres. Nous tombons dans une certaine torpeur, une routine étriquée. Les semaines sont cadencées par les devoirs : un plan de travail pour les lundis/mardis et un pour les jeudis/vendredis. Seulement 2 jours, puis le mercredi et encore seulement 2 jours puis le week-end. Les jours et les semaines passent aussi vite qu’avant mais à l’intérieur de la journée, le temps s’étire davantage.
Je ne vais tout de même pas déprimer : il y a tant de belles choses auxquelles se raccrocher !!
Aujourd’hui, mercredi 8 avril, j’occupe le bureau. Je me mets un peu à jour de mes mails. Je trie. Je réponds. Je commence un travail de fond, plus créatif, plus moi. Et je poursuis la correction de mon manuscrit. La base.
Numéro 3 a terminé le travail des 2 premiers jours et profite du jardin et puis de la tablette. Ah la tablette ! Ah internet ! Ah TikTok ! Elle en est fan. Si on l’écoutait, elle aurait un compte. Et elle se plaint indirectement de n’avoir pas de téléphone : « mes copines ont des téléphones », « je suis la seule de la maison à ne pas avoir de téléphone »
On tient bon. Pas question qu’elle en ait un avant le collège.
Numéros 1et 2 continuent à travailler dans leurs chambres. Je ne sais pas trop ce que ça donne. Chéri vérifie quand même les devoirs du fiston. Cela permet d’une part de s’assurer qu’il ne perd pas trop pied et d’autre part de lui rappeler qu’on est là et qu’il ne peut donc pas abandonner. On est loin d’un rendu de qualité mais on s’accroche au wagon.
Chéri et moi participons à une séance de sport avec des amis. Ça devient presque un rituel : les lundis, mercredis et vendredis. Abdos, fessiers, squats, pompes, ciseaux, levers de genoux et quelques noms anglais dont la traduction pourrait être : « tu vas grave en ch*** ». Ça fait du bien là où ça fait mal.
En fin de dîner, au moment du dessert, notre second entame son numéro de cirque. Il fait l’andouille pour le plus grand bonheur de numéro 3 et du reste de la famille. Le problème est que la petite rit tellement qu’elle finit irrémédiablement par recracher son yaourt et moi par faire les yeux noirs. J’ai le souvenir de telles scènes quand ils étaient plus jeunes. Ils ne se calmaient pas et ça finissait en punition. Mais ils ont grandi et chéri et moi nous sommes assouplis. Je ne tolère toujours pas les crachats de nourritures mais je ris de bon cœur avec eux.
Pour poursuivre dans le même mood, chéri nous fait un quizz de musiques Disney. On chahute, on chante aussi faux que fort. Puis on danse : la danse des canards et la salsa du démon font leur grand retour.
Ces moments-là sont précieux. Ils reboostent, ils soudent. Et nous voilà prêts pour le jour 25…