Mon hiver covidien
Naïve que je suis, je pensais que le confinement de mars 2020 durerait 1 semaine. Je me souviens du soir où je me suis fait une méga entorse de la cheville. J’avais 16 ans. J’avais mal. J’étais triste de devoir renoncer au match du week-end mais persuadée que je jouerai celui de la semaine suivante. J’ai été plâtrée 5 semaines et j’ai ensuite dû faire de la rééducation plusieurs semaines encore.
J’ai donc toujours été naïve. Ou optimiste. Ou utopiste. Ou stupide. Stupide/Covid. La rime tombe à propos.
J’étais optimiste pour les vacances d’été, pour le voyage de décembre à l’Ile Maurice, pour notre séjour au ski en février…
Ce sera un séjour à la montagne. Point de ski semble-t-il. Ce n’est pas grave (pour nous. C’est autre chose pour ceux qui en vivent) et nous avons décidé d’y aller quand même. Nous ne voulions pas annuler encore. Pas une fois de plus.
Pas de remontées mécaniques, pas de restaurants… il faut absolument que je pense à amener des jeux de société ! Et il nous faudra un peu d’imagination et de bonne volonté mais je ne me plains pas : nous partons, c’est déjà bien. Enfin… sauf si on nous reconfine au dernier moment.
J’était donc très optimiste. Disons que je repoussais mon optimisme au rythme des nouvelles mesures imposées : confinement, interdiction de rassemblements, limitation des distances, couvre-feu…
Ça fera bientôt un an qu’on vit cette drôle d’existence plus tout à fait libre mais j’espérais toujours une amélioration. Et puis, est apparu un nouveau gros mot vilain pas beau qui ferait trembler un blockhaus : le variant. Non, LES variants.
On les connait déjà ! Chaque année ils attaquent aveuglément ces variants de la grippe. Tu te fais vacciner et tu la choppes quand même parce que la cousine de la grippe de l’année s’est invitée dans ta région.
On les connait mais les variants de la Covid, c’est comme ton N+2. Autant, tu t’es habitué au N+1, tu es presqu’immunisé. Autant quand le big boss se pointe, tu te fais tout petit.
Et mon optimisme naïf s’est pris une claque. On en sortira donc jamais ? Après le variant anglais débarque celui d’Afrique du Sud. Ils voyagent plus que nous ces virus ! Et aux variants succèderont les mutants puis viendra la Covid 35 et ses petits, les branches slaves de la sœur de la dernière souche à la mode…
C’est une histoire sans fin sauf qu’on ne voyage pas à dos d’un chien géant. En revanche, on s’enfonce dans la laideur marécageuse d’un mauvais film catastrophe.
Je sais me raisonner (ah vous dirais-je maman, ce qui cause mon tourment), faire la part des choses, admettre que je suis chanceuse et jouir de cette chance. Mais c’était mieux quand j’étais optimiste. Parce qu’en plus de me considérer comme privilégiée, j’avais espoir de faire tout un tas de supers trucs géniaux. Et ça m’aidait grandement à trouver la vie belle.
Avec l’arrivée de ces variants, mon horizon s’est voilé. Des nuages bas et gris et froids m’écrasent, me collent au sol, m’empêchent d’apercevoir le bleu du ciel. Le pessimisme s’immisce dans mes cellules comme la rosée dans la mousse. Je commence à en être imbibée. C’est un peu trop, je n’absorbe plus.
Je doute maintenant de tout : les 18 ans de ma grande ? les 40 ans de mon frère ? notre voyage en famille cet été ?
Tout semble tellement compromis que je me demande où placer mes espoirs.
Alors oui, nous sommes tous en bonne santé. Hi ha !! C’est le principal, merci, je sais. Et nous ne manquons de rien à part de rêves. Pour ma part, une vie sans rêves c’est comparable à un gâteau dont on ne sentirait pas le goût sucré. Je n’aime pas le polystyrène, je le digère mal. Je n’ai pas attrapé la Covid, je perds pourtant le goût, petit à petit.
Vivre dans de la ouate, à l’abri des risques et de la saveur de la vie, ce n’est pas à proprement parler une vie, si ?
Je pourrais écrire encore sur le sujet. Créer des associations de mots pour mieux décrire ce que je ressens. Ou les laisser imprégner l’écran pour les faire sortir de mon cœur. Mais je sens qu’il est temps de lâcher le clavier.
Je poursuis mon hiver covidal ou covidien ou vide et je vais me concentrer sur le printemps. Après la pluie vient le beau temps… n’est-ce pas une vérité absolue ?