Amour de jeunesse -5
Nous avions 18 ans. Cet âge entre l’enfance et un début de maturité. Où l’on commence à voler de ses propres ailes en revenant sans cesse au nid.
Nous avions 18 ans, nous étions beaux comme des enfants… et tout aussi inconstants et stupides.
J’ai reçu une éducation solide et bienveillante. Mes parents ont fait au mieux avec les cartes qu’ils avaient en main et je les en remercie. Le seul bémol (vous l’avez vu venir), c’est le manque de communication et notamment sur des sujets peut-être tabous. La sexualité en était un. J’étais aussi ignorante que possible des moyens de contraception et des cycles de procréation. Et c’est ce qui nous a menés à la décision la plus définitive et douloureuse de ma vie.
Nous nous sommes revus dans l’été. Il s’est retrouvé chez moi avec ses parents pour quelques jours en juillet 1996. Pour rentrer un peu dans le détail, nous étions assez responsables, dans une décennie où le sida connaissait son heure de gloire, pour nous protéger à chaque rapport sexuel. Je ne prenais pas la pilule. Et nous pensions, enfants que nous étions, que la période de règles et les jours qui suivaient ne représentaient aucun risque de grossesse.
Puis je l’ai retrouvée sur le bassin d’Arcachon. Nos premières nuits sous une toile de tente, en toute liberté, avec les copains… Ce n’était pas prévu mais je me suis débrouillée pour concrétiser ce séjour. Par amour, évidemment. Et par inquiétude.
Je ne voyais pas mes règles arriver. C’était si inhabituel que j’ai commencé à craindre. Mon cerveau, comme ils savent si bien le faire, menait une lutte intérieure entre la Confiance et la Peur. L’une n’était qu’intellectuelle. Je me persuadais à coups de mots choisis que ça ne pouvait pas m’arriver. L’autre était plus physique, plus réelle. Je la ressentais. Elle s’installait. Les jours passant, la peur prenait possession de moi.
Lorsque nous nous sommes retrouvés, nous avons donc pris les choses en main. A commencer par un test de grossesse qui ne m’aura laissé que quelques secondes d’espoir. Nous avons grandi en une journée plus qu’au cours des mois précédents. Il a fallu encaisser, assumer, l’annoncer à nos parents et prendre des décisions.
Je n’ai pas eu à me poser la question terrible de savoir si j’allais garder cet enfant parce que David n’avait, quant à lui, aucun doute. Il n’imaginait pas autre issue qu’un avortement.
Ça m’a pris aux tripes. J’ai tant pleuré ! J’avais déjà imaginé notre vie de parents dans le futur. J’avais tellement hâte d’être maman. Alors, je lui en ai voulu de n’avoir jamais envisagé de le garder. Et dans le même temps, je ne pouvais que comprendre.
Je me suis projetée seule avec un enfant, à 19 ans tout rond. Et je me suis imaginée avec lui et plusieurs enfants, plus tard, lorsque nous serions adultes et responsables. Quelle vie aurais-je pu lui offrir ?
Nous avons été accompagnés par nos familles, de près ou de loin. Mais il m’a fallu vivre l’avortement loin de lui, chez moi, à Brest. Son bouquet de fleurs (le seul qui ne m’ait jamais fait livrer d’ailleurs) m’a tenu compagnie, près de mon lit qui devait éponger mes larmes. Et si j’étais en accord avec cette décision, rationnellement, j’ai cru mourir de chagrin face à l’irrévocabilité de l’acte.
David a fait ce qu’il a pu pour diminuer ma peine. Il ne ressentait pas la même chose. Un homme le peut-il ? Il décide qu’il ne veut pas de l’enfant qui n’existe d’ailleurs pas encore pour lui. La femme, elle, décide de supprimer, renoncer à ce qui grandit en elle.
De cette triste étape de notre vie, reste la certitude d’avoir fait le bon choix. Nous avons trois enfants aussi heureux que possible qui vivent dans des conditions matérielles plus qu’avantageuses et avec leurs deux parents. Le fait même qu’ils soient trois est plus ou moins une conséquence de cet événement. Dans ma grande détresse, David n’a pas eu le cœur de me refuser la promesse de trois grossesses.
Et puis notre vie amoureuse s’est poursuivie à distance jusqu’à nos 20 ans. Deux années de plus à se voir à chaque période de vacances. Nos étés 1997 à 1998, nous les avons passés côte à côte, travaillant 2 mois tantôt en Gironde, tantôt dans le Finistère. Une vie maritale estivale. Sans nuages… (oui, même en Bretagne !).
Jusqu’à septembre 1998…