Ton enterrement

Publié le par Raphaëlle

Pour vous, pour les autres, il était un homme de 80 ans à la santé fragile. Mais pour nous, il était l’époux, le père, le beau-frère, l’oncle… et il était mon parrain. Je le voyais peu mais il faisait partie intégrante de ma vie. Il a toujours été là avec son air espiègle et ses yeux rieurs. Sa gentillesse était une valeur sûre, un repère. Puis il est parti.

 

Parce que nous vivions à plusieurs centaines de kilomètres l’un de l’autre, que nous menions nos vies indépendamment, que je n’étais qu’une filleule ; pour toutes ses raisons, j’ai conservé longtemps mes larmes dans ma gorge. Suis-je légitime à exprimer ma peine quand celle des autres est plus lourde ? Pourtant, dans cette église où j’ai fait ma communion et où mon frère s’est marié, la douleur était réelle.

J’aurais voulu pouvoir me laisser aller, ne pas me retenir. Déverser ma peine dans les larmes et même les sanglots qui cherchaient à se frayer un passage et contre lesquels j’ai lutté. J’aurais voulu ouvrir les vannes, une fois, mais je ne me le suis pas permis.

J’ai pleuré tout de même. Comment ne pas pleurer ? J’ai laissé couler les larmes sur mes joues en pensant à lui, j'ai ressenti bonheur et chagrin en déplaçant la lumière de la bougie. Puis j’ai serré la main de ma sœur. Nous étions deux au milieu de tous ses autres : mes tantes et oncles, mes parents, mon frère, mes cousins, mes petites cousines et tous ceux qui ont souhaité accompagner parrain dans son dernier voyage. Et ils étaient nombreux ! Très nombreux ! L’église était emplie de ceux qui ont croisé la vie de cet homme bon ou qui ont parcouru un bout de chemin avec lui. Il ne pouvait en être autrement.

Et puis… était-ce pour lui ? Ou pour elle et eux ? Lui dire aurevoir et surtout, murmurer en silence combien nous avons aimé votre père et ton époux. Notre peine se joint à la vôtre et c’est aussi pour vous qu’on pleure. Parce que votre souffrance est grande et que nous vous aimons.

 

Au-delà de la cérémonie et de l’hommage, il y a les gestes et les regards entre des proches plutôt lointains, proches par le sang et les souvenirs. On se touche, on pose une main bienveillante sur une épaule affaissée, on se sourit tendrement, les yeux brillants. Et on se retrouve avec bonheur et plaisir. On évoque avec émotions l’homme qui nous quitte et on plonge dans notre passé commun.

C’est toute la complexité et la force d’une famille. On peut ne pas se voir pendant des années et en oublier presque leur existence mais ils sont une partie de nous. Ils sont un élément de notre construction. Et l’amour que l’on ressent est sincère. Ils font partie de nos fondations.

Alors, entourée de mon enfance, j’ai ressenti de la joie. J’ai retrouvé des cousins avec qui j’ai grandi, j’ai rencontré un cousin que je ne connaissais pas. Il était si jeune dans mon souvenir et c’est avec un homme que j’ai discuté ! Nous nous sommes fait des promesses sincères et des plans sur la comète. Et si nous organisions une cousinade ? On y croit fort parce qu’on le veut sincèrement. On s’imagine une grande tablée, des rires, des échanges. Et si nous y étions tous ? Les 20 cousins, les parents, les conjoints, les enfants et parfois même les enfants des enfants !? L’idée est charmante et irréelle.

 

Voilà. Un homme nous a quitté. Juste un homme pour le monde entier, le monde pour ma tante. Tout est question de relativité. Et son départ, aussi triste soit-il, et il l’est, aura généré de grandes émotions, de la joie, des retrouvailles, des promesses et une effusion d’amour…

 

Pour ton enterrement parrain, j’ai pleuré dans les fumées de l’encens qui flottaient autour de ton cercueil, je me suis lovée dans les marques d’affection de la famille et j’ai ri dans les éclats de nos souvenirs. Je t’aime.

Publié dans Pas qu'une maman

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