La mort d'un animal: comment accompagner ses enfants?
Canaille n’est plus. Il a fait partie de nos vies pendant presque 11 ans. C’est beaucoup, surtout pour numéro 3 qui l’a toujours connu, et c’est peu. Il était trop jeune pour nous quitter.
On a beau savoir qu’une bête ne nous accompagnera pas jusqu’au bout, on est toujours surpris et tellement triste de la perdre ! Et quelle que soit la relation qu’on aura entretenue avec elle, elle faisait partie de la famille et son absence est douloureuse.
Oui, la mort d’un animal est difficile pour nous mais qu’en est-il de nos enfants ?
Je n’ai jamais cherché à cacher la vérité à mes enfants. Je l’adapte selon l’âge, je n’en dis pas tout, mais je ne mens pas. Ainsi, quand nos lapins sont morts, je l’ai annoncé aux trois, en choisissant mes mots. Les grands, qui avaient 9 et 11 ans, ont reçu la nouvelle avec les larmes et l’incompréhension. Numéro 1 a pleuré. Numéro 2 aussi, mais il a surtout posé beaucoup de questions auxquelles j’ai répondu le plus simplement possible. Puis il s’est recueilli longuement à l’endroit où chéri les avait enterrés. Quant à numéro 3, qui n’avait pas encore 4 ans, bien que je sois athée (que nous le soyons tous les deux, chéri et moi), je lui ai dit que Pirouette et Flocon étaient parties au ciel. Ce à quoi elle a répondu, de toute l’adorable innocence de l’enfance : « Mais c’est qui qui les a lancés dans le ciel ? ».
Pour Canaille, qui vivait avec nous depuis fort longtemps, il en fut un peu autrement. D’abord, c’est ma grande qui l’a découvert : « Maman… » A sa voix j’ai compris immédiatement que quelque chose n’allait pas. « Il ne respire pas ». Impossible pour elle de dire qu’il était mort. Trop brutal. Trop définitif. Et ses larmes…
Puis mon fils nous a rejoint, alerté par nos voix. Je lui ai annoncé la triste nouvelle sans détour, calmement, les yeux rougis. Et nous sommes tous trois restés à distance. Interdits, perdus. Que faire ? Que dire ? Je les ai pris dans mes bras. Ma grande inconsolable et mon second raide, fermé.
Puis je les ai éloignés pour gérer loin de leurs yeux et de leurs cœurs d’enfant meurtris. Les câlins, les mots tendres, les caresses ne suffisant pas, j’ai cherché à détourner leur attention. Un bain pour numéro 1 et la télévision pour numéro 2. Une diversion.
La petite était au lit. Elle dormait. Elle ne savait pas. Il me fallait donc remettre au lendemain l’annonce. Et j’appréhendais déjà.
Comment expliquer à un enfant de 7 ans que son chat n’est plus et ne sera plus jamais ? Pour moi, il n’est pas question de mentir. Il ne me viendrait pas à l’idée de raconter que le chat est parti dans une autre famille ou je ne sais quel autre conte. Le mensonge revient forcément comme un boomerang, plus fort et plus destructeur. Et cela aurait impliqué que tout le monde mente dans la famille avec le risque de gaffes. N’est-ce pas pire d’apprendre la vérité au détour d’une maladresse, par hasard et sans y avoir été préparé ?
J’avais donc décidé de le lui dire. Non, d’ailleurs. Je ne l’ai pas décidé, c’était une évidence. Pas le matin avant l’école car je voulais être près d’elle pour répondre à ses questions et soulager sa peine. J’ai donc attendu le lendemain soir. « Maman a une mauvaise nouvelle à t’annoncer ». Et je le lui ai dit.
La petite a pleuré et je l’ai encouragé à le faire, lovée dans mes bras. Et elle m’a interrogée : « où, quand, comment… ». Ce qui m’a le plus surprise et attristée, c’est quand elle m’a dit qu’elle n’était même pas allée dans le salon (endroit où il est mort) la veille. Comme si elle s’en voulait un peu d’être passée à côté sans savoir.
Je ne sais pas si j’ai raison mais je ne sais pas faire autrement. Les confronter à la vérité, aussi dure soit elle, leur permet d’avancer. Non seulement ils se préparent à la vie et ses difficultés mais en plus ils savent qu’ils peuvent nous faire confiance. Nous n’avons pas de secrets terribles, nous pouvons donc parler librement les uns devant les autres, les uns avec les autres, et partager nos ressentis. Nous vivons la même douleur, ensemble.
Je ne crois pas en l’ « après » et Canaille n’était qu’un animal. J’ai quand même envie de lui dédier quelques mots. Parce qu’il nous a accompagné 11 ans. Nous avons râlé après lui et nous l’avons câliné. Il s’est frotté sur nos jambes et a léché nos cheveux. Il a miaulé au milieu de la nuit nous obligeant à nous lever et il a accouru vers nous au bruit de notre voiture ou au son de notre voix. Il nous a suivi un soir jusque dans le parc voisin, fidèle. Il a attendri belle-maman qui lui apportait des sachets et le nourrissait en notre absence. Il a fugué plusieurs jours au moment de notre installation pour finalement revenir vers nous. Et il dormait un peu partout mais jamais dans le beau panier moelleux que je lui avais acheté. Il était peureux mais faisait face aux chats du coin. Il se cachait dans les placards pour qu’on ne l’oblige pas à sortir. Il ronronnait sous nos caresses et n’aimait pas être porté mais se laissait manipuler, gentiment.
Bref, Canaille était un chat, notre chat. Et il va nous manquer. Il me manque déjà.