Parce que je me suis reconnue en elle... La bienveillance envers l'adulte éduquant

Publié le par Raphaëlle

J’ai commencé par la juger intérieurement. Sur cette aire d’autoroute, en plein milieu de rien, d’un voyage, de la fatigue : cette grand-mère agacée, énervée, qui perd patience avec ses petits-enfants. Ça ne devrait pas ! On ne devrait pas s’énerver contre un enfant. Elle devrait être plus patiente qu’une maman. Elle devrait. Ne devrait pas.

 

Puis j’ai observé, spectatrice, avec le voyant lumineux VEO qui clignotait dans mon cerveau. Voilà donc à quoi ressemble de la violence éducative ordinaire. « Tu as encore coincé la fermeture, tu fais exprès !!! » « c’est ça, faites tomber mon sac à main et on pourra pas repartir », « c’est bon, on mange pas, on s’en va »

 

Les enfants ont peut-être 3 et 6 ans. Pas plus. Je ne les vois pas particulièrement affectés. Ils semblent s’accommoder de la colère de leur grand-mère. Est-ce une bonne nouvelle ? Ou est-ce précisément ce qui constitue le petit drame qui se joue devant moi ?

 

Ma troisième réaction est de m’observer dans le miroir. Je suis elle. Elle est moi. J’ai été dans cet état d’agacement et d’épuisement. Elle est grand-mère, moins concernée normalement. Elle devrait avoir plus de distance. Mais que s’est-il passé avant que mon chemin croise le leur ?

Quelle est leur relation ? Leur vie ? Quel a été leur début de journée ? Et qui suis-je pour la juger ?

 

Je me suis retrouvée aux toilettes en même temps qu’eux. J’ai assisté à son désarroi émotionnel. Je l’ai vu perdre pied, commencer à se noyer. J’ai eu de la peine pour elle et pour les enfants.

A y regarder avec distance, on y voit une femme désagréable qui malmène des enfants. On s’identifie aux petits. Mais j’ai vu en cette femme ce qu’elle ne disait pas. J’ai reconnu la détresse, l’incapacité à gérer la situation et ses émotions. Je me suis vue.

 

J’ai donc voulu, j’ai très sincèrement espéré pouvoir faire qq chose pour eux. Même un tout petit geste. Un petit rien pour alléger leurs charges.

Le sourire aurait pu être une option. Il adoucit. Il peut faire tomber une tension. Il dit « je te comprends », « je ne te juge pas ». Mais le masque empêche. Il est un obstacle. Le sourire des yeux ne suffit pas. Il n’a pas la même force, il est plus discret.

 

J’ai opté pour une aide utile. J’ai ramassé le sac à main pendant que la grand-mère était aux toilettes et les enfants devant la porte. J’ai proposé mon aide à la fillette qui a accepté d’une petite voix. J’ai décoincé sa fermeture.

Et la femme est sortie. Elle a vu, elle a compris. Elle m’a remerciée au moins 3 fois. Je lui ai souri du regard puisqu’elle s’y était fixée. Je lui ai juste dit « je comprends. J’ai connu ça »

 

Puis elle est sortie. Elle a acheté des sandwiches et des boissons. Ils ont mangé. Ils ont pu repartir. La fermeture du blouson avait cédé. La tension de la grand-mère aussi, un peu.

 

Je crois que je l’ai apaisée. Je crois que j’ai changé le cours de sa journée. Je sais que j’aurais aimé qu’on me comprenne tandis que je me sentais jugée. Que je me jugeais moi-même. Que je culpabilisais. Que l’épuisement faisait de moi ce que je ne voulais pas être.

 

Peut-être qu’on peut tous faire un geste. Qu’on peut être réellement bienveillant même à petites doses. Peut-être qu’on ne doit pas éduquer les adultes avec la violence ordinaire qu’on leur balance si souvent et qu’on leur reproche pourtant. Peut-être que la bienveillance si plébiscitée dans l’éducation doit être appliquée à tous, à tous moments et qu’elle fera ainsi des petits en semant des graines.

 

 

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