Amour de jeunesse -2
Après cette journée, je n’avais aucune autre envie qu’être près de lui. Je ne présumerai pas de ce qu’il ressentait, mais il semblait également vouloir rester près de moi. Nous nous sommes donc retrouvés plus tard. Dans la soirée certainement… Je visualise parfaitement l’endroit : sur la terrasse surplombant le camp, accoudés aux barrières, nous avons échangé notre tout premier baiser. Le contact tendre de ses lèvres sur les miennes… j’aurais voulu rester là des heures, me blottir dans ses bras, goûter à cette nouveauté enivrante.
Pourtant, je lui ai demandé d’arrêter. Parce qu’il n’avait pas rompu avec sa moche (mais non, je vous dis que je ne suis pas jalouse) et que j’avais des principes inébranlables. Il aurait pu en rester là avec moi, laisser tomber cette histoire à peine commencée avec une fille coincée. Mais je n’avais pas de doute.
S’en est suivi une dizaine de jours qui m’ont amenée à me penser amoureuse. Nous passions beaucoup de temps ensemble et j’étais sur un petit nuage.
Un soir, il est sorti avec ses copains à la plage. Mes parents ne m’ont pas autorisée à les suivre. Et il est revenu plus tôt que les autres avec une rose dans les mains. Une rose en tissu qu’il avait emprunté à la vierge Marie sur le trajet. Cette rose, je l’ai toujours. A l’abri dans une boîte. Elle est le symbole de notre amour naissant. David n’a jamais été un grand romantique alors cette rose…
Pétanque, plage, rendez-vous à deux, rires avec les copains, croire en l’avenir et savourer le présent… En quelques jours, j’avais vécu plus fort que d’habitude. Mais il nous a fallu partir. Avec ma famille, j’ai quitté le camp avant lui. Il est venu sur le parking me dire aurevoir. Et j’ai pleuré. Pleuré à m’en faire mal aux abdos. Pleurer à m’en nouer la gorge. J’ai versé des larmes de tristesse, de peur, de doute. Je l’aimais tellement déjà ! Et si notre histoire s’achevait comme ça ? Sans lendemain ?
Il n’a pas pleuré lui. Pas devant moi en tout cas. Et il m’avait prévenu : il n’aimait pas du tout écrire. Je vous parle d’un temps où les moyens de communication à distance se résumaient à des courriers (facteur, vite, l’amitié n’attend pas) ou des appels téléphoniques sur le fixe de nos parents.
Je suis retournée près de Brest et lui près de Bordeaux. Chacun à nos vies si différentes. Et je lui ai écrit. Une lettre par jour. J’en envoyais plusieurs par enveloppe et j’attendais. J’ouvrais la boîte aux lettres avec espoir. Et si j’étais parfois déçue, j’ai aussi connu la grande joie de trouver une enveloppe à mon nom. Une écriture peu soignée, des lettres très courtes. C’était pas le champion de la poésie mais il y avait toujours un « smack » et un « je t’aime » qui édulcoraient ma journée. L’écriture permet une sincérité sans barrière qu’il est plus difficile d’assumer en face à face.
Et puis il m’appelait aussi. Nous avions des rendez-vous téléphoniques. Le téléphone sonnait dans notre hall, en plein milieu de la maison. Et, le cœur battant, je répondais. Je me délectais du son de sa voix et de son accent du Sud-Ouest si charmant à mes oreilles.
Nous nous faisions des promesses. Nous imaginions nos retrouvailles. Et moi, je racontais à ma meilleure amie, Stéphanie, la vie que j’allais mener avec lui. Nous allions avoir 4 enfants…
Ces échanges ont duré des mois. Avec le temps, il écrivait moins. Il appelait moins. Il se détachait. Et je pleurais (ah mais vous le savez pas ? Je pleurais vraiment souvent quand j’étais jeune… Aujourd’hui encore finalement). J’étais déçue. Et j’ai pris conseil auprès de mes 2 grandes sœurs.
Elles ont dû m’expliquer l’importance de se respecter et de ne pas se laisser malmener. Elles m’ont encouragée à lui signifier mon mécontentement. Après 2 mois sans courrier, je l’ai appelé. Je lui ai demandé des explications qu’il n’a pas su me donner, j’ai levé le ton et j’ai raccroché. Avec une infinie tristesse, je me suis creusé un trou dans le cœur que rien n’a su combler. Avril 1993, mon histoire avec David était terminée.