Mes enfants et leurs grands-parents
Pour mon plus grand plaisir, mes enfants entretiennent de bons rapports avec tous leurs grands-parents. Ils ont des relations saines et pleine d’amour. Les papys et mamys sont investis et présents. Toujours prêts à nous aider et à profiter de leurs petits-enfants.
On comprend donc naturellement qu’ils veuillent des nouvelles des petits, un peu d’intérêt de la part de leurs petits-enfants, un retour même timide de l’amour qu’ils leur portent. Et ils ne sont pas exigeants ! Ils espèrent un message de temps en temps. Une petite attention en juste retour de toutes celles dont ils font l’objet.
Pourtant, lorsque la demande est exprimée par l’un des grands-parents, je la ressens presque comme une attaque personnelle.
Une attaque contre l’éducation que j’ai donnée. Je n’ai pas bien fait. Je ne leur ai pas transmis les bonnes valeurs. J’ai été défaillante et le suis encore.
Je me sens montrée du doigt car je suis la maman, la responsable, la coupable, qui aurait dû transmettre à ses enfants des valeurs plus fortes. Et je n’arrive pas à considérer que la « faute » est celle des enfants ou de chéri.
Alors, j’ai cherché à comprendre.
Cela s’explique peut-être par ma jeunesse. Mes propres relations aux grands-parents.
Ma grand-mère maternelle, je ne l’ai malheureusement pas connue. Je ne peux qu’imaginer les relations que j’aurais pu avoir avec cette femme que j’ai idéalisée et à laquelle, parait-il, je ressemble physiquement. J’aurais aimé la connaitre. Et j’aime à supposer que nous aurions été proches.
Mon grand-père, je le voyais tous les samedis midi. Jusqu’à son décès survenu bien trop tôt. J’avais 14 ans, lui 70. Quelle petite fille aurais-je été plus tard ? Aurais-je pris la peine de lui rendre visite de ma propre initiative ?
Mes autres grands-parents étaient très loin : 1200 km. Nous n’avions pas les technologies d’aujourd’hui et ils vivaient un peu en reclus. Nous avions donc peu de relations et elles dépendaient entièrement des rares visites que nous leur faisions en famille.
Et l’éducation que nous avons reçue n’incluait pas le contact avec nos aïeuls. Il faut dire que, concernant les grands-parents que j’ai connue à l’âge adulte, soit mes grands-parents paternels, les relations avec mon père n’étaient déjà pas très fusionnelles. Il a été élevé avec une certaine distance que mes parents n’ont pas reproduite avec nous. Mon père et ma mère ont inventé, à défaut d’en avoir hérité, l’éducation qu’ils n’ont ont donnée. Ils ont fait de leur mieux et plutôt bien avec les outils dont ils disposaient.
Par conséquent, c’est à moi désormais d’inventer la relation de mes enfants à nos parents car je n’en ai pas hérité non plus.
Et puis l’adolescence de mes enfants. Enfants, on ne leur réclamait rien. Il dépendait de nous. Mais aujourd’hui, ils sont équipés de téléphones et les utilisent quotidiennement. Ils interagissent avec leurs amis. Il leur serait donc facile d’envoyer des messages à leurs grands-parents !
Mais à l’adolescence, on pense à soi. On vit tout intensément. On ne pense pas forcément au ressenti des autres et notamment des grands parents.
Et on les croit immortels. Ils sont là. Ils ont toujours été là. Ils seront toujours là ! Fort heureusement, l’adolescent ne pense pas à la brièveté de la vie. Il vit dans l’assurance que ceux qu’il aime, ceux qui l’aiment, seront toujours dans leur vie. Il n’y a donc pas d’urgence à prendre des nouvelles.
Enfin, je vois dans cette demande une ligne de plus dans ma longue to-do liste. Un caillou supplémentaire dans mon sac à dos « charge mentale ».
Car qui rappellera aux enfants de donner et demander des nouvelles ? Qui essaiera de gérer les messages pour qu’ils ne soient pas tous envoyés le même jour par les 3 ?
C’est peut-être une erreur de ma part d’en prendre l’entière responsabilité mais pour m’en détacher, il va falloir que les enfants l’assument en partie. Et pour en arriver là ; il me faut encore les éduquer. Et cela me revient donc !
Je ne m’en rends compte que maintenant car moi aussi j’ai pris pour acquis la présence éternelle de nos parents. Je ne me suis pas assez souciée de leurs attentes, de leurs besoins. Et, prise dans le tourbillon de ma vie, j’ai négligé nos relations et, par conséquent, celle de nos enfants avec leurs grands-parents.
Nous courons après tout, sans prendre le temps de chérir nos proches.